mardi 5 août 2014

Une journée ordinaire

On envoie la drague à 145 m de profondeur, elle est très ventrue, mais la boue est trop compacte. Philippe prend les choses en main : il met quelques pelletées de boue dans un bac, puis le délaye au tuyau d’arrosage, on finit au tamis de plus en plus fin pour récupérer toutes les fractions et, après tri, les fractions, sont ensachées.
 
La drague © G Paulay-MNHN-PNI / expédition Guya     Philippe prend les choses en main © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
La récolte est assez maigre, pas mal de vers et un poisson très fin qui vit comme un ver  tubicole, planté dans le sédiment. Il sort juste la tête et pêche les petites proies qui passent.
Carla va le mettre au congélateur, pour lui conserver le plus possible l’aspect du vivant et enfin le mettre ensuite dans le formol.
Le poisson « ver » © G Paulay-MNHN-PNI / expédition Guyane
 Le guide câble a déraillé, 9h 26… nous voilà oisifs pour 2 bonnes heures comme dit Philippe je commence à comprendre qu’il faut savoir être patient.
 Il faut savoir être patient © G Paulay-MNHN-PNI / expédition Guyane
Début d’après- midi, le chalut est d’une richesse en biodiversité incroyable, a 200 m de profondeur. Philippe me dit qu’en fait les huitres trouvées agglomérées forment un récif sur le terrain meuble et abritent ainsi une très grande richesse faunistique, en particulier en crustacés et en poissons.


Des tas d’huitres © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane Les huitres © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane

la ruée vers la biodiversité !  © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
Je trouve une galathée sacculinisée. La première !
Je demande à Philippe l’autorisation de détourner cette galathée pour la rapporter directement à un jeune doctorant qui fait sa thèse sur les sacculines, Philippe me rembarre vertement et je comprends là la rigueur de mise lors de la collecte : TOUT doit rentrer dans la collection du Museum car on veut un panorama complet, pour chaque chalut, de la faune de l’endroit ! La rigueur scientifique est derrière chaque geste, le plus anodin, quand on pêche !

Des Galathée  entre autres… © G Paulay-MNHN-PNI / expédition Guyane
Je  profite d’un moment de pause pour mieux faire connaissance avec Laure Corbari, la curatrice de la collection des crustacés, au MNHN  
Laure me dit qu’en fait,  sur le bateau, son travail est un travail de tri essentiellement et d’enrichissement de la collection et que ce sont les taxonomistes qui vont ensuite déterminer l’essentiel des nouvelles espèces et cela peut prendre jusqu’à 10 ans après une expédition !

Laure et Stéphane en plein tri © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
Elle collecte de nombreux individus d’une même espèce, par exemple une galathée et tous les spécimens seront intégrés à la collection du muséum, la zoothèque. Pour illustrer la biodiversité intraspécifique?
  Les spécimens sont triés, groupe par groupe, les balanes à part pour ne pas écraser les autres spécimens, etc, mais il n’y a pas de reconnaissance d’effectuée, avec les crustacés, le traitement pour le bar code peut attendre, le but est d’augmenter la collection avec de nouveaux et beaux échantillons ou bien des individus qu’on ne connaît pas.

Contrairement aux  mollusques, On n’a pas besoin de préparer immédiatement pour le bar coding…ils sont plus stables.

Fin d’après- midi, le chalut ne ramasse quasiment que des oursins irréguliers!

Les oursins irréguliers © G Paulay-MNHN-PNI / expédition Guyane

Mais des mollusques  gastropodes intéressants sont ramassés, les xénophores, qui portent en effet des êtres vivants nombreux sur leur coquille comme ces petits coraux uniques (Non coloniaux)

Les xénophores © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
 Même si ces étrangers portés par les mollusques gastropodes (signification de xénophore, en grec) sont petits, il arrive parfois qu’on trouve des choses plus grosses sur les coquilles, comme des pièces de monnaie qu’on peut poser dessus et qui se retrouvent peu à peu englobées par la coquille du xénophore ! (dixit Philippe).

samedi 2 août 2014

Une tranche de vie

Sur le chalutier chacun prend ses marques :
en effet, si chacun se connaît pour les chercheurs français, les  deux autres Carla et Gustav sont nouveaux sur les expéditions de la planète revisitée et ces chercheurs n’ont pas nécessairement l’habitude de travailler ensemble. En revanche, ils ont tous une grande habitude de la vie et du travail sur le terrain, ce qui n’est pas mon cas. Tout le monde prend rapidement ses marques  et je dois m’adapter de la manière la plus fluide possible !

Rêveries à l'arrière du chalutier © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
La vie pour moi commence à s’organiser ainsi :
quand le chalut arrive je m’attelle au tamisage de l’ensemble du chalut, en compagnie de Todt, le patron de pêche guyanais et de Cyndie. On se relaie aux différents postes : remplir les tamis, tamiser, remplir les cuvettes de tri dont les chercheurs s’emparent avidement ! Et ensuite, repasser les bailles (les grandes bassines blanches) au tamis de plus en plus fin, jusqu’au  tamis à maille fine (5 ou deux millimètres, suivant les cas). C’est Philippe qui décide si les fractions sont à conserver. Au départ il est très directif pour m’apprendre les bons gestes et le bon regard, Surtout ! Puis, voyant que je commence à apprendre, il me laisse peu à peu pour cet acte, en autonomie, et Cyndie le rejoint dans l’équipe de tri (j’ai trouvé ma place dans l’équipe).  Je deviens peu à peu efficace comme les papous chargés de la même tâche, en Papouasie; mes frères de tamisage !

Philippe m’intronise, bon enfant, membre actif de la religion du tamisage, dont il est le pape !

Le protocole après rodage de l’équipe, d’une arrivée de chalut est le suivant :
 
L’arrivée du chalut © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane    le chalut sur le pont © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
On laisse l’équipe de marins poser le chalut sur le pont en suspension sans intervenir,
Le remplissage des bailles © C Dupoux-MNHN-PNI / expédition Guyane
puis on met une ou plusieurs bailles (les grands bacs) dessous et on ouvre la fermeture du filet qui ressemble ainsi à un grand chinois rempli (pour les cuisiniers). On remplit les bailles.

Là MON travail commence ! je passe au tamis grossier, 1cm ce que Todt met dedans, à grands coups de pelle.
Le remplissage du tamis à la pelle © C Dupoux-MNHN-PNI / expédition Guyane On fait sauter les patates ! © C Dupoux-MNHN-PNI / expédition Guyane
L’idée est d’enlever le sédiment est les débris et toute la petite faune.. les bacs se remplissent, manipulés par Cyndie un à un, il faut secouer le tamis comme si on faisait sauter les patates !
Pendant ce temps, les scientifiques effectuent le tri. Les échinodermes d’un côté, les poissons d l’autre, etc…
Philippe, Laure et Stéphane trient © C Dupoux-MNHN-PNI / expédition Guyane
Puis  avec Cyndie et Todt, on filtre de tamis en tamis, les bailles, jusqu’au tamis 2mm…
 
tamiser la boue© C Dupoux-MNHN-PNI / expédition GuyaneCyndie vérifie la propreté du fond de tamis© C Dupoux-MNHN-PNI / expédition Guyane
Cette fraction est très souvent mise dans un seau pour décanter, la fraction légère, qui est évacuée de la lourde qui est conservée pour le tri au muséum. Chaque fraction, de tamis en tamis est vérifiée par Philippe qui nous demande parfois de recommencer

Philippe prend la décision © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
La dernière fraction n’est pas triée par les scientifiques sur place mais ensachée dans l’alcool,  et après séchage sera triée par les bénévoles de l’équipe de Philippe.
Pendant ce temps, les scientifiques se sont emparés de leur groupe de prédilection et les préparent et ensachent.
ensachage des échantillons © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
des éponges entrent en collection © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
Pendant que le chalut pêche, c’est temps mort pour l’équipe une fois le tri effectué, sauf pour Carla et Gustav, les spécialistes des groupes des éponges et échinodermes, respectivement, qui commencent la détermination des taxons connus et la découverte de nouvelles espèces,
Carla et gustav au premier plan, Cyndie et Philippe dans le laboratoire humide en arrière plan © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
Ainsi que pour Cyndie et Philippe pour qui le double travail de détermination des mollusques (très rapide grâce à la connaissance  gigantesque de Philippe ) et de préparation pour le barcoding prend du temps.
J’en profite pour commencer mes billets et poser plein de questions aux chercheurs qui patiemment, me répondent. J’essaie cependant de ne pas trop les gêner dans leur travail et leurs moments de décompression.
Chaque  chalut réserve son lot de découvertes, ça me rappelle les « surprises » de mon enfance lointaine, ces cônes de papier qu’on achetait chez l’épicier, 5 francs et qui contenaient bombons et petits cadeaux inédits. (Les bleues pour les garçons, les roses pour les filles…).
Chalut surprise © G Paulay-MNHN-PNI / expédition Guyane
 

vendredi 1 août 2014

DE L'ALCOOL, DE L'ALCOOL ENCORE DE L'ALCOOL

L'alcool, produit de consommation humain est un liquide précieux et incontournable sur toute expédition scientifique: en effet tout stockage correct des spécimens nécessite une immersion dans un alcool assez pur à au moins 70 %, comme me le signalait Laure Corbari Chercheuse au MNHN et Conservatrice des collections de crustacés qui est de quasiment toutes les expéditions de la planète revisitée, ces derniers temps!

 Conus geographus
Laure sous l’averse court chercher de l’alcool au bidon © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
Stéphane Hourdez qui travaille à Roscoff comme responsable d'une équipe de 7 chercheurs et qui est spécialiste du taxon des vers marins récupère l'ensemble des vers des expéditions diverses, dont celles auxquelles il participe (A Dumont d’Urville en terres australes françaises, me disait-il d'un air gourmand!) à des fins d'identification et est très connaisseur en alcool de conservation. Il m'a dit que l'estomac humain est davantage tolérant au niveau des impuretés incluses dans l'alcool, teneur en acide acétique, et les plantes bizarres ou fruits que les hommes y ajoutent, pommes poires, scoubidous, génépi et autre verveines.... Point de ça pour la conservation: l'alcool doit être le plus pur possible et comme il en faut, me disait-il environ 200 litres par jour, c’est un vrai problème logistique! Chaque matin, sur le bateau, il prépare à partir des bidons d’alcool pur un mélange eau- alcool à 70%, le bidon de 25 litres est suffisant pour la consommation de la journée, pour le petit matériel, non ensaché et mis dans des tubes remplis d’alcool.
 Conus geographus
Gustav immerge un spécimen dans un tube rempli d’alcool © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane

 Conus geographus
Stéphane prépare l’alcool à 70 avec le densimètre © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
La plupart des spécimens, après photographie à sec ou bien dans l’eau comme ce poisson plat sont ensachés ensuite dans des sacs plastiques scellés à chaud avec la scelleuse.
 Conus geographus
le poisson plat attend la photographie © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane

 Conus geographus
Gustav photographie les spécimens © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
 Et comme la scelleuse et les sacs sur leurs dérouleurs sont dans le laboratoire humide, on franchit 100 fois par jour le seuil (élevé) de la porte du labo !
 Conus geographus
les sacs sur leur dérouleur © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
 Conus geographus
les sacs et les poissons passent à la scelleuse © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
Et dument étiquetés, de manière codifiée.
 Conus geographus
les sacs scellés et étiquetés sont prêts à être percés © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane
Puis le sac, percé de nombreux trous est ensuite immergé dans les bidons bleus étanches, eux même remplis d’alcool (ou blanc et rouge pour les poissons plutôt conservés dans le formol, plus efficace en ce cas). Les petits tubes subissent le même sort et finissent eux aussi dans les bidons bleus.
 Conus geographus
les bidons remplis d’alcool et de formol © JC Vasseur-MNHN-PNI / expédition Guyane